Le Dominateur
L’argument de Diodore — qui porte sur les idées de nécessité et contingence — est une aporie extrêmement célèbre, dont Vuillemin estime qu’elle a dominé et domine encore la philosophie de l’action tout comme les paradoxes de Zénon ont dominé et dominent encore la philosophie de la nature.
Une fois reconstruite, l’aporie se présente comme consistant à démontrer l’incompatibilité de quatre prémisses fondamentales généralement acceptées :
- Le passé est irrévocable.
- L'impossible ne peut pas être une conséquence logique du possible.
- Il y a des possibles qui ne se réalisent jamais.
- Ce qui est ne peut pas ne pas être pendant qu'il est.
Ces propositions semblent difficilement contestables et pourtant elles ne peuvent pas être vraies en même temps. Résoudre la contradiction en niant l'un de ces axiomes fixe un programme aux philosophes et détermine les systèmes philosophiques, la difficulté consistant à justifier la négation d'un axiome qui paraissait évident.
Diodore, l'auteur de l'aporie, choisit d'abandonner la prémisse 3. Pour lui tout ce qui est possible arrive à un moment ou à un autre. Ce qui n'est ni ne sera jamais vrai est impossible. Pour Leibniz, cela contredit de façon directe la notion même de la liberté qui suppose l’idée d’un choix effectué entre des possibles, dont certains auraient pu également être réalisés s’ils avaient été choisis, mais ne se réaliseront pas dans les faits.
Une autre solution — très séduisante — est celle de Cléanthe qui rejette le principe de l'irrévocabilité du passé en s'appuyant sur l'idée de l'éternel retour. On peut réaliser le possible, non pas seulement dans le présent et le futur mais également dans le passé — il y a symétrie complète entre le passé et le futur. Cette approche nous dit Vuillemin résolve la liberté dans l'acceptation joyeuse du destin, cette tension permanente dans la substance de l'univers qui ne cesse de produire toujours la même révolution et le même arrangement.
C'est bien la substance et le ton de l'aphorisme 341 du Gai Savoir
Dieses Leben, wie du es jetzt lebst und gelebt hast, wirst du noch einmal und noch unzählige Male leben müssen; und es wird nichts Neues daran sein, sondern jeder Schmerz und jede Lust und jeder Gedanke und Seufzer und alles unsäglich Kleine und Grosse deines Lebens muss dir wiederkommen, und Alles in der selben Reihe und Folge.
« Willst du diess noch einmal und noch unzählige Male? » würde als das grösste Schwergewicht auf deinem Handeln liegen! Oder wie müsstest du dir selber und dem Leben gut werden, um nach Nichts mehr zu verlangen, als nach dieser letzten ewigen Bestätigung und Besiegelung?
Le Héros face à ses dieux — “I don't care how many times it is, I want to relive this sickening life.”