Les limites du revenu universel
On peut imaginer que le contexte idéologique et institutionnel change assez pour libérer le revenu universel de la contrainte de neutralité budgétaire (je veux dire, on peut toujours rêver, hein ?) Les pays pourraient alors fixer le revenu universel à un niveau suffisant pour avoir un impact réel sur la pauvreté sans se préoccuper du déficit public. La question est de savoir si c'est une bonne idée.
Au minimum, une bonne politique économique doit être capable d'assurer durablement le plein-emploi et limiter les tendances inflationnistes. Il n'est pas du tout sûr que le revenu universel passe le test.
Il y aurait certes très probablement une baisse du chômage due et à l'augmentation de la consommation des ménages et à la diminution de la population active (un revenu non lié au travail n'incite pas vraiment à aller pointer).
Un revenu universel conséquent s'apparenterait à un stimulus « keynésien » classique : non ciblé et sans mécanisme inhérent de stabilisation des prix. Si les gens ont plus d'argent à dépenser sans aucune incitation parallèle à l'augmentation de leur offre de travail, des tendances inflationnistes sont inévitables. La production nationale sera insuffisante à absorber l'augmentation de la demande, la rareté relative des travailleurs aboutira à une hausse des salaires qui devra être répercutée sur les prix (et l'inflation poussera les salariés soucieux de préserver leur niveau de vie à demander d'autres hausses de salaires qui devront être répercutées sur les prix, etc.), les importations et leur coût en monnaie nationale augmenteront.
Les États essaieront alors de contrôler l'inflation et maintenir la valeur de leur monnaie en réduisant leurs dépenses et en resserrant leur politique monétaire, en d'autres termes en cherchant à faire augmenter le chômage et diminuer les pressions sur l'appareil productif. L'augmentation du chômage sera plus rapide que la diminution de l'inflation et la diminution du niveau de vie de la population poussera alors à un nouveau stimulus. Stop and go my friends, stop and go.
C'est cet ensemble de mécanismes vicieux qui a contribué à dévaloriser toute politique conjoncturelle et, plus largement, toute politique publique de plein-emploi. L'introduction d'un revenu universel à un montant qui ne serait pas ridicule est une opération économique hasardeuse.
Est-ce à dire que toute politique de plein-emploi est condamnée ? Certainement pas mais toute politique devra prendre en compte la double exigence du plein-emploi et du contrôle de l'inflation.