La pauvreté est pour l'essentiel causée par un manque de revenu et même si les modifications du marché du travail jettent de plus en plus de travailleurs et leur famille en deçà du seuil de pauvreté, ce manque de revenu reste surtout le fait du chômage. Ça en fait un problème systémique plutôt qu'individuel — le chômage de masse est le signe que le système économique est incapable de produire assez d'emplois pour occuper la main d'œuvre disponible. D'un point de vue macroéconomique, les raisons de cet échec du système sont simples à comprendre — une fois que le secteur privé a arrêté le montant de ses dépenses et de son épargne, si la dépense globale est incapable de résorber le chômage de masse c'est que la dépense nette du secteur public est insuffisante, c'est-à-dire que soit le déficit public est trop faible soit le surplus budgétaire trop élevé.
Beaucoup à gauche et de plus en plus de monde à droite estiment que l'introduction d'un revenu universel (ou revenu de base) est le moyen le plus direct et le plus simple de mettre fin à la pauvreté. Ça revient bien sûr à libérer l'État de sa responsabilité d'assurer le plein-emploi et se situe dans le cadre d'une vision néo-libérale de l'économie et de la société. Mais même si on passe outre la répugnance instinctive, je ne vois vraiment pas comment un revenu universel dans le cadre idéologique et institutionnel actuel serait capable de réduire la pauvreté. C'est ce que confirme une étude récente de l'OCDE.
Le problème est que les réalités institutionnelles de la zone Euro contraignent financièrement les États et toute politique « réaliste » de revenu universel doit respecter le principe de neutralité budgétaire. À l'extrême, on peut imaginer maintenir le niveau global actuel des transferts sociaux mais, selon le principe d'universalité et d'individualité du revenu de base, le ventiler sur l'ensemble de la population. Le montant individuel du revenu de base serait alors très nettement inférieur au seuil de pauvreté.
Une mesure plus raisonnable serait de fixer le montant du revenu universel au niveau du revenu minimum garanti par les systèmes existant de protection sociale (qui reste certes lui-même souvent inférieur au seuil de pauvreté mais dans des proportions moins grotesques). Cela alourdirait considérablement le montant des dépenses sociales et le principe de neutralité budgétaire force alors à se poser la question du financement. Comme le dit l'OCDE :
Un revenu de base ayant un niveau significatif sur les plans social et politique exigerait donc sans doute des dépenses de prestations supplémentaires et, par conséquent, un accroissement des recettes fiscales pour les financer.
Les gagnants et les perdants d'un tel système financé par l'impôt varient en fonction des conditions de chaque pays, ce qui est certain en revanche c'est que les effets globaux sur la pauvreté seraient au mieux modestes.
Il n'y a rien de très étonnant à ça. Le principe de neutralité budgétaire signifie que le niveau global des dépenses publiques reste inchangé. Si ce niveau est insuffisant, on ne peut pas attendre d'un simple changement de la composition des dépenses et des recettes un impact significatif sur la demande globale et l'emploi.